Jin Roh, la Brigade
des Loups |
Jin Roh, la Brigade des
Loups, de Hiroyuki Okiura (1998)
Une fois n'est pas coutume, la France accueille en 1999 un film
d'animation japonaise en avant-première mondiale. Et quel
film ! Non content d'être un dessin-animé entièrement
réalisé à la main (sans image de synthèse,
comme on en a l'habitude de voir désormais dans les films
d'animation), Jin Roh est également
une très grosse surprise thématiquement parlant.
Ce film a d'ailleurs reçu de très bonnes critiques
de la part de la presse.
Il est vrai que ce genre de film est rare. Ici, nous avons affaire
à un film reposant sur une histoire d'amour. Ceci est certes
peu original, mais le tout s'articule sur le conte bien connu
du Petit Chaperon Rouge, dans le Japon
d'après-guerre... Surprenant est donc l'adjectif le plus
approprié pour décrire ce film.

L'action se déroule
quelques années après la Seconde Guerre Mondiale,
dans un Japon affaibli par la défaite et l'envahiseur.
Afin de relancer l'économie du pays et d'améliorer
les conditions de vie, le gouvernement met en place un projet
de "développement accéléré".
L'économie reprend donc et le Japon guérit petit
à petit de ses blessures. Mais ce plan social engendre
une hausse considérable du chômage dans les grandes
agglomérations. De la surpopulation des villes naissent
des milieux urbains très pauvres, où la violence
augmente de façon alarmante. De plus, des groupuscules
de rebelles anti-gouvernementaux sont à l'origine de graves
troubles.
Afin de répondre à toutes ces violences, le gouvernement
prend la décision de créer une section de défense
uniquement déployée à Tokyo, la Posem, comprenant
une force d'élite lourdement armée qui a tous les
pouvoirs, et dont les membres sont communément appelés
« Panzers ».
La Secte, organisation de résistants, et les Panzers, soldats
de la Posem, se retrouvent souvent lors de mini-guérillas.
La violence ne cessant pas, l'opinion publique ne soutient ni
la Secte, ni la Posem.
Les Panzers ne servent donc désormais plus à rien
: leur action n'a plus aucun sens. Une rumeur se propage même
chez les politiques qu'une troupe d'espions, la Brigade des Loups,
aurait investi ce corps d'élite dans le but de démanteler
la Posem...

Tout ceci est très
compliqué, j'en suis conscient. Mais ce petit résumé
n'en est pas un à proprement dire, mais plutôt un
aperçu de ce qui se déroule au commencement du film.
Malgré cela, il faut admettre que Jin Roh
n'est pas à mettre entre toutes les mains.
A l'instar d'un certain Ghost in the Shell,
la politique occupe une grande partie du film. Mais n'ayez crainte,
une surprise attend le spectateur.
En effet, le film raconte les malheurs d'un homme, Fusé,
appartenant au corps des Panzers. Ce dernier se retrouve, lors
d'une mission dans les égouts de Tokyo, devant un "Petit
Chaperon Rouge", une jeune femme, à
peine majeure, transportant des bombes pour le compte de la Secte.
Devant l'impressionnante armure de Fusé, la jeune femme,
terrorisée, enclenche une bombe. Fusé aurait dût
tirer, mais ne le fit pas.
Constamment hanté par cette mort et par le regard terrifié
de la résistante, Fusé rencontre la sour jumelle
de cette dernière.
Une histoire d'amour nait doucement mais sûrement entre
les deux êtres, avec un héros (anti-héros..?)
torturé psychologiquement qui semble trop conscient des
choses l'entourant.
Pas
de sexe, pratiquement pas de scène de violence. Et pourtant
ce film n'est pas recommandé pour les plus jeunes spectateurs.
Le scénario est riche, intelligent et incroyablement complexe.
La réalisation est elle aussi excellente. L'action se déroule
dans les années 50, et tout est parfaitement reconstitué,
du tramway d'époque à l'architecture des bâtiments
de Tokyo, en passant par de curieux parcs d'attraction sur des
toits d'immeuble ou par les belles voitures d'antan. Ce film est
une invitation au voyage dans le Japon d'après- guerre,
alors en pleine expansion.
On
se rend compte, cela dit en passant, que ce genre de détail
serait impossible à réaliser pour un film "live",
à cause de l'époque où se déroule
l'histoire. Pour ça, Jin Roh
est un exemple parfait du caractère irremplaçable
des dessin-animé.
Les personnages sont quant à eux sensationnels. L'expression
des visages est bouleversante de réalisme, avec de veritables
moments poignants, en particulier pour le travail effectué
au niveau des yeux : quand le héros pleure, on se dit qu'un
véritable acteur ne ferait pas mieux. La magie opère
formidablement bien !
Hiroyuki Okiura
réussit parfaitement à exprimer ses pensées.
Et pourtant, il s'agit ici de son premier film ! Il est en effet
très rare de voir un premier film aussi réussi.
Et pourtant...
Ce
jeune homme (29 ans à l'époque) avait déjà
travaillé avec les plus grands pour les plus grands films
: avec Katsuhiro Otomo pour Akira et
pour Memories, ainsi qu'avec Mamoru
Oshii pour Patlabor et pour Ghost
in the Shell. Mamoru Oshii signe d'ailleurs ici
le scénario de Jin Roh, et eut,
d'après ses propres dires, quelques difficultés
à "abandonner" son histoire à un autre
réalisateur, novice de surcroît.
Quant à la
musique, elle peut se vanter d'être très intéressante
et inventive, mais pas autant qu'une composition de Kenji Kawaï
(Ghost in the Shell, Avalon).
Néanmoins, du symphonique avec un zeste de guitare électrique,
c'est très plaisant !
Quoi qu'il en soit, et malgré l'absence de M. Oshii à
la réalisation, ce dessin-animé est très
agréable visuellement et musicalement.

Reste que le scénario,
qui représente tout de même un sacré barrage
pour les plus jeunes, prouve cependant que les mangas peuvent
ne pas être stupides, comme on l'entend dire souvent.
Une grande et belle
ouvre, admirablement mise en scène, et dont le message
implicite sur la nature de l'Homme en fera, je l'espère,
réfléchir plus d'un.
Yaku
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